Sarah, Présidente du CIFPMR-RDC : un combat pour l’inclusion et la dignité des personnes en situation de handicap
Pouvez-vous vous présenter et nous parler de votre parcours ? Je suis Sarah, originaire de la République Démocratique du Congo (RDC). Née de parents congolais, j’ai effectué ma scolarité primaire et secondaire à Kikwit avant de poursuivre des études en coupe et couture au Lycée Lakulanza, à Idiofa. Mon handicap est survenu à l’âge de deux ans, après avoir marché normalement comme tout enfant. J’ai ensuite suivi une rééducation au centre des handicapés de Huilerie. Malheureusement, à l’âge de cinq ans, mes parents ont divorcé, interrompant ainsi ma prise en charge. Mon père a alors décidé que je parte vivre avec ma mère dans son village natal, chez mon grand-père maternel. Ce moment reste gravé en moi : il a dit à ma mère, « Tu vas retourner dans ton village natal d’où je t’avais prise, et tu vas partir avec Sarah, comme ça tu souffriras bien. » Un de ses neveux, présent, a ajouté : « Il faut lui donner Sarah, comme ça elle sera une charge pour elle et elle souffrira avec elle au village. » Dans ce village, aucun centre de rééducation n’existait. Mon pied gauche a commencé à rétrécir, et j’ai dû me déplacer à quatre pattes pendant plusieurs années. La famille de ma mère insistait pour qu’elle me laisse au village et parte refaire sa vie ailleurs, convaincue qu’aucun homme ne l’accepterait avec un enfant handicapé. Ce n’est qu’après notre installation à Kikwit que l’oncle de ma mère m’a fabriqué des béquilles en bois, me permettant ainsi de marcher à nouveau. Depuis mon plus jeune âge, je rêvais de devenir médecin. Cependant, ma mère m’a encouragée à envisager un métier compatible avec ma condition physique. C’est ainsi que j’ai développé une passion pour le stylisme et le modélisme, inspirée par des figures emblématiques telles que Coco Chanel et Jean-Paul Gaultier. Grâce aux efforts de ma mère, j’ai poursuivi mes études jusqu’à l’obtention de mon diplôme d’État, puis j’ai intégré l’Institut Supérieur des Arts et Métiers (ISAM), où j’ai obtenu un diplôme en modélisme et stylisme avec distinction. Malgré les nombreux défis liés à mon handicap, j’ai toujours refusé d’être définie par mes limites. Mon parcours est celui d’une femme qui a appris à transformer les obstacles en opportunités. Quelles ont été les principales difficultés que vous avez rencontrées en tant que personne en situation de handicap ? La principale difficulté a été le rejet. J’étais une élève brillante, mais souvent, mes camarades ne s’approchaient de moi que par intérêt. Une fois leur avantage obtenu, je me retrouvais seule. Même au sein de ma famille, j’ai ressenti une exclusion, notamment du côté paternel. Mon avis n’était jamais pris en compte lors des réunions familiales, et je n’étais pas invitée aux célébrations. Certains de mes propres frères et sœurs me considéraient comme une moins que rien. Un jour, l’un de mes grands frères m’a dit que je ne valais rien et que je n’apporterais jamais rien à ma famille. Un autre défi était la sous-estimation de mes ambitions. On me conseillait d’accepter des situations non valorisantes, d’épouser un homme par « pitié ». J’ai refusé de me résigner à cette vision réductrice et j’ai choisi de me battre pour mes rêves. Les discriminations étaient aussi présentes dans la vie quotidienne : des taxis-bus refusaient de me prendre, bien que j’aie de quoi payer. Certains me surnommaient « faux tête », insinuant que je serais une charge. Enfin, le manque d’infrastructures adaptées et le regard réducteur de la société rendaient mon parcours plus complexe. Mais j’ai toujours voulu prouver que le handicap ne définit ni nos capacités ni notre potentiel. En tant que personne en situation de handicap, quels sont les défis à relever ? Oui, il y a de nombreux défis à relever pour s’imposer et être accepté dans la société en tant que personne en situation de handicap. Trop souvent, la société porte un regard méprisant et considère ces personnes comme une charge plutôt que comme une source capable de contribuer au développement familial et sociétal. Le potentiel des personnes handicapées est rarement exploité là où elles pourraient exceller et apporter une réelle valeur ajoutée. Face à cette réalité, j’ai choisi de transformer ce regard négatif en une source de motivation. Je me suis dit : Pourquoi pas moi ? Pourquoi ne pourrais-je pas développer mes compétences, contribuer, être reconnue et vivre pleinement comme tout le monde ? J’ai décidé de m’imposer en tant qu’individu à part entière, avec ma propre valeur et mon potentiel. Cette volonté de prouver ma place dans la société m’a donné la force, la détermination et l’envie de me battre pour mon autonomie, tant sur le plan financier que matériel. Ce parcours n’a pas été facile, mais j’ai eu la chance d’être soutenue par des personnes exceptionnelles comme le Père Jacques Paulus, le Pasteur Sita Luemba, le Professeur Damas Khasa de l’Université de Laval au Canada, ainsi que les Pères Joséphites. Leur appui dans mes études m’a permis d’aller jusqu’au bout de mon parcours académique et de devenir la femme battante et forte que je suis aujourd’hui. Qu’est-ce qui vous a poussée à créer cette ONG ? Mon parcours personnel, les difficultés que j’ai traversées en Afrique et la réalité des personnes handicapées en RDC m’ont motivée à agir. En arrivant en Suède, j’ai eu l’opportunité de poursuivre mes études et d’obtenir un Master, en partenariat avec l’Université de Linköping et La Sorbonne à Paris. Contrairement à la RDC, la Suède m’a considérée comme une personne à part entière, m’offrant des facilités pour étudier et un accompagnement médical adapté. Aujourd’hui, je suis en rééducation pour marcher avec une prothèse, une chose que je n’aurais jamais imaginée possible. Toutes ces expériences m’ont convaincue de l’importance d’agir pour améliorer les conditions de vie des personnes en situation de handicap en RDC. Quels sont les principaux objectifs du CIFPMR-RDC ? Quel message souhaitez-vous transmettre aux personnes en situation de handicap ? Aux personnes en situation de handicap : Ne vous sous-estimez pas. Soyez audacieux, battez-vous pour avoir une place dans la société. De grandes figures, comme Franklin D. Roosevelt,



